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Marché du deuxième écran : Interview de Romain Drosne, CEO de Plinkers.

Romain Drosne, CEO de Plinkers, un spécialiste des applications des deuxième écran, a accepté pour Viuz de decrypter les enjeux de ce nouveau marché aux contours encore imprécis. Voici son interview.

VIUZ : Quel est l’état de l’art sur le marché du deuxième écran ?

Romain Drosne : La première chose à savoir est que 40% du temps sur une tablette et 30% sur un Smartphone est passé devant la TV. Cependant 70% de ces « multitaskers » ont une activité sur ce 2ème écran tout à fait décorrélée de leur consommation TV.

C’est cette part d’attention ou d’engagement perdu pour les diffuseurs que Plinkers propose de reconquérir.

Les services proposées actuellement sur le deuxième écran peuvent se décomposer comme suit :

- Les outils à vocation conversationnelle, qui tournent majoritairement autour de client twitter et facebook. Des centaines d’applis de ce genre se sont lancées ces derniers mois. Certaines sont intégrées aux applications des diffuseurs, certaines sont autonomes à l’instar de FollowWatch de Patrick Escande.

- Les services de « check-in » qui tentent de « gamifier » la consommation TV. On peut y trouver des applications telles que Shazam, GetGlue, Miso, TVCheck et Viggle (actuellement ma préférée).

- Les « Play Along » qui faisaient jusqu'à présent l’objet d’une appli dédiée comme Money Drop, Qui Veut Gagner des Millions ou XFactor tendent en ce moment à être encapsulées dans les applis compagnons des chaines comme MyTF1 ou DevantMaTélé d’M6.

- Enfin on trouve les EPG (Electronic Program Guide) qui prennent la forme d’agrégateurs de flux d’informations et de services autour des programmes.
On y retrouve des applications comme Télé 7 jours, Télé Loisir pour les leaders historiques français et les nouveaux entrants comme Into_now et Zeebox (mon préféré à aussi) pour ne citer qu’eux.

En France le marché n’est pas encore trop bousculé. Les applications les plus puissantes (US et UK) s’installent doucement à l’instar de Shazam avec un premier partenariat avec TF1 ou prépare leur arrivée comme Zeebox. Mais une chose est sûre, l’incapacité des chaines françaises à se fédérer sur une plateforme « marché » qu’elles contrôleraient, laisse une porte grande ouverte à de nouveaux entrants cross channel comme Zeebox beaucoup plus en phase avec les usages des téléspectateurs. Et même s’ils peinent pour le moment à trouver les bons partenaires pour attaquer le marché Français, les choses risquent de tourner rapidement à leur avantage tant leur récent lancement aux US vient d’être retentissant.

VIUZ : Le marché tarde à décoller pourquoi ?

Romain Drosne : Le problème majeur du marché pour le moment se trouve, comme souvent, du coté de la collecte et de la standardisation des « metrics » !

Les usages sont là et sur ce point tout le monde est d’accord. En revanche la question est «quelle est l’efficacité réelle de chacun des services proposés?».

Tant qu’une méthodologie commune et plus fine ne sera pas identifiée, choisie et actée, les agences media ne pourront pas s’emparer du phénomène pour le commercialiser de façon industrielle.

Or, la question des metrics est particulièrement délicate car elle touche directement à la référence hégémonique des chiffres de puissance pure (Médiamétrie) pour y introduire une notion d’attention et d’engagement qui pourrait bouleverser l’ensemble des habitudes de la chaine de valeur…

Sur ce point, Nielsen s’est associé à Google pour mettre en place un service pour le moment réservé aux UK. Des agences media à l’instar de Zenith Optimédia avec «Social Tools» ont lancé leur propre outil interne. Mais pour ma part, je crois beaucoup au travail de Mesagraph. Grâce à un mélange de « big data », d’analyse sémantique et de statistique poussées cette petite start-up Française est capable de fournir des chiffres particulièrement intéressants pour les chaines, les producteurs et évidemment les agences.

VIUZ : Comment voyez vous l’avenir du secteur ?

Romain Drosne : D’après moi le secteur n’est pas encore très mature mais pourrait le devenir vite ! Pour le moment, les services existants en France s’attachent plus à préserver l’équilibre des forces historiques, occuper le terrain ou faire des « coups marketing ».

Néanmoins et même s’il est toujours compliqué de sortir sa boule de cristal, voici comment nous pensons que le marché va évoluer.

D’ici 6 mois, un ou plusieurs nouveaux entrants beaucoup plus focalisés sur les usages et les attentes des téléspectateurs vont arriver en France. Forts de leur capacité financière et de leur succès international, ils vont rapidement nouer des partenariats avec les diffuseurs français et vont évangéliser de façon beaucoup plus franche la population et les annonceurs.

Dans les 12 mois, une série de services B to B vont émerger (Réseaux de publicité synchronisée, Outils de reconnaissance automatique et de synchronisation avec les programmes français), les expériences de « Play Along » sur des licences fortes vont se muscler. Et évidemment une solution standard liée aux metrics du 2nd écran devrait voir le jour.

Médiamétrie est le candidat logique à cette dernière mission mais devra s’armer d’un certain nombre de partenaires technologiques tels que Mesagraph et Civolution.

S’agissant de la monétisation, de nombreux essais vont être effectués dans les 18 mois qui viennent. Mais nous pensons que l’ensemble des efforts fournis visera le marché de la pub TV. Ils devraient donc surtout permettre aux régies TV leaders de conserver leur part de marché actuelle. La part d’investissement additionnel devrait rester limitée et servir uniquement à compenser la baisse des tarifs TV voire les commissions des intermédiaires par lesquels ces nouveaux investissements transiteront (Shazam, Zeebox, etc.).

Il existe pourtant sur ce marché de vrais « nouveaux business » à fort potentiel qui pourraient réellement donner de l’air à la chaine de valeur dans un contexte de ralentissement du marché publicitaire:

1- Le licencing.

En effet, le développement du marché des EPG de 2nd écran devrait ouvrir sur une « rigorisation » des droits d’utilisation des licences et sur la syndication des applications de play-along. Les producteurs/diffuseurs devraient ainsi pouvoir valoriser leurs investissements (droits + techno) auprès des Zeebox, Tele 7 jours, Tele Loisirs etc.

2- Le décollage du e-Couponing.

En parallèle, le développement de la publicité interactive par l’intermédiaire de toutes ces applis devrait également mettre un coup d’accélérateur sur le marché de l’incentive dématérialisé et plus particulièrement du e-couponing qui pour ce dernier devrait représenter 2 Milliards de dollars en 2016 (source : Juniper Sept 2011).

3- L’explosion du m-Commerce.

D’après Xerfi (juin 2011), le marché du m-Commerce représente aujourd’hui 1 Milliard d'Euros et devrait passer à 13 Milliards d'Euros d’ici 2014. Cette explosion permettra à certains acteurs de surfer sur le pouvoir d’incitation à l’achat de la TV (40% d’après l’étude de FuturCo Sept 2012) et de créer ainsi de nouveaux business models.

C’est d’ailleurs sur ces 2 derniers marchés que Plinkers se concentre plus particulièrement.
Nous nous appuyons notamment sur une statistique anglaise qui dit que 42% des 18/24 ans souhaitent savoir ce que sont les produits qu’ils voient dans leurs émissions de TV préférées (Sources YouGov Aout 2010).

Nous travaillons donc depuis plusieurs mois à la meilleure façon de répondre à cette demande. Différents essais ont déjà été tentés dans ce sens par nous et nos concurrents. Mais jusqu’à présent, le problème avait mal été compris. Soit parce que les business models n’étaient pas pertinent soit parce que nous sous estimions certaines réalités sur les marchés concernés.

Nous pensons en avoir identifié la bonne méthode pour adresser ce marché et espérons bien devenir, à courts ou moyens termes, le pont entre le désir que créé la télévision et l’acte d’achat (qu’il soit off ou on-line).

Ainsi, de la même manière qu’aujourd’hui les ados nous demandent comment on faisait sans Shazam pour connaître les auteurs des chansons qui passe à la radio. Nous espérons que nos enfants nous demanderons bientôt comment on faisait quand on voulait acheter la chemise ou la jupe de Blair Waldorf dans Gossip Girls avant la naissance de Plinkers.

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