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Hugo Loriot (fifty-five) : CRM augmenté, comment les données offline vont faire bouger les lignes de l’acquisition digitale ?

La question de la valorisation des données CRM pour améliorer le ciblage des campagnes digitales est en passe de devenir pour les pure players comme les bricks and mortars un enjeu crucial.

Historique des achats en ligne ou en boutique, informations issues du call-center ou du réseau de distribution sont en effet autant de critères de ciblage à forte valeur ajoutée, pourvu que l’on sache les articuler avec le monde digital. C’est d’ailleurs là que réside tout l’enjeu, en particulier pour les annonceurs traditionnels, qui disposent de millions de clients dans le monde physique, et d’une plus faible audience sur des sites web le plus souvent peu ou pas transactionnels.

D’une approche défensive à une approche offensive

Le retargeting s’est imposé depuis quelques années comme une composante incontournable des campagnes digitales, que ce soit sur les Ad Exchanges, le Search ou même Facebook. Or, si le reciblage des prospects est plutôt bien opéré par la plupart des annonceurs, le traitement des clients laisse sérieusement à désirer pour deux raisons. Tout d’abord, l’objectif poursuivi est le plus souvent défensif, la base d’acheteurs faisant office de simple repoussoir. Autant cela peut s’entendre pour un pure-player qui souhaite éviter de surexposer des utilisateurs qui viennent d’acheter en ligne, autant cela perd tout son sens pour un acteur traditionnel qui souhaite communiquer aux moments clés du cycle de vie de ses clients. Ensuite, la définition-même d’un client se limite souvent à un utilisateur étant passé par la page de conversion du site web de l’annonceur sous 30 ou 60 jours, ce qui ne prend pas en compte les informations multicanales collectées pour chaque client.

Prenons le cas d’un assureur ou d’un constructeur automobile. La promesse de cibler ses clients en passe de changer de véhicule pour présenter un nouveau modèle ou un contrat adapté est alléchante, mais comment cibler sa base sur des réseaux publicitaires fonctionnant avec des cookies quand une fraction seulement s’identifie sur son site web ? Sans la capacité de croiser son CRM offline avec des données digitales, les campagnes marketing sur Google ou les Ad Exchanges s’adressent à des visiteurs et non à des clients : un véritable gouffre pour les acteurs traditionnels.

L’enjeu fondamental : digitaliser sa base CRM

Pour passer au stade du CRM augmenté et développer une acquisition média novatrice et intelligente, l’enjeu consiste donc à faire le pont entre sa base CRM et ses données digitales, afin d’adapter la première aux grands acteurs de la publicité en ligne.

L’opération est relativement simple pour les pure-players, car l’ensemble de leurs clients sont passés par une conversion web. Il s’agit donc avant tout d’assurer une historisation des transactions en associant pour chacune d’entre elles cookie et identifiant client, via notamment des suites avancées de webanalyse.

Il en va tout autrement pour les acteurs traditionnels. La première étape, et non des moindres, est de centraliser l’information multicanale, réconcilier des bases disparates et convaincre un réseau potentiellement réticent à partager sa connaissance client.

Ciblage cookie vs ecosystèmes loggés

Une fois l’information centralisée, deux solutions sont envisageables.

La première, qui consiste à associer un cookie à un identifiant client (adresse email, voire triplet nom-prénom-code postal), est à la fois la plus complexe et la plus flexible. Complexe, car il est indispensable de sélectionner un partenaire capable d’opérer cette correspondance via des contrats noués avec de multiples acteurs online et offline. Flexible, car à la fin de cette opération, tous les réseaux publicitaires digitaux sont potentiellement adressables pourvu qu’ils fonctionnent sur la base de cookies..

Acxiom et sa récente acquisition Liveramp sont représentatifs de cette technique qui, encore récente, ne permet pas (encore) de digitaliser 100% de sa base de données, (on avance un ratio de 25 à 35%), mais nul doute que les efforts consentis par ces acteurs amélioreront ces taux.

La seconde solution, plus rapide et plus simple, a également un reach plus limité.

Nul besoin de passer par des tiers pour récupérer un cookie, il suffit ici de charger la liste des adresses email (opt-in) de sa base CRM dans l’interface de Facebook (ciblage Custom Audiences) ou Twitter (ciblage Tailored Audiences, encore soumis à l’intermédiation d’une sélection de partenaires), et il devient possible de cibler ses clients offline via des tweets sponsorisés ou des publicités dans le fil d’actualité. Deux avantages supplémentaires à cette solution : les taux de correspondance oscillent entre 50 et 60% et les audiences sont adressables sur plusieurs devices. Cette option, imitée à deux acteurs,  ne permet pas à date de construire un plan média digital complet, mais qu’en sera-t-il demain si Google, Yahoo et Microsoft se décident à croiser les données de leurs comptes webmail  avec des bases de données clients ?

Vers une gouvernance CRM-Acquisition

Quel que soit le mode de digitalisation de sa base, ce nouveau mode de communication digitale constitue un tournant. La promesse en termes d’économies d’achat média, d’allocation des budgets et de pertinence des offres, est alléchante.

En revanche, développer ces cas d’usages et adapter sa politique d’acquisition aux moments de vie clés de ses clients passera forcément chez les grands groupes par la mise en place d’une nouvelle gouvernance digitale, en mettant à la même table média et connaissance client.

Le futur de l’efficacité média et la promesse d’un CRM véritablement augmenté sont à ce prix.

Hugo Loriot est Directeur Media Technologies chez fifty-five

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