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Disruption(s) dans la banque : comment le Crédit Agricole prend l’industrie bancaire à contre-pied

Lending Club s'apprête à s'introduire en bourse pour une levée de 500 millions de dollars... La banque, après avoir longuement résisté, pourrait enfin à son tour massivement succomber aux sirènes de la digitalisation.

Nous continuons notre série : "disruption(s) dans la banque".

Nous avons précédemment interviewé de Charles Egly, de Prêt d'Union

Aujourd'hui nous donnons la parole  Emmanuel Méthivier, dans le groupe Crédit Agricole depuis 2006, et CEO de CA Store.

Qu’est-ce que le CA Store ?

Le Crédit Agricole emploie 160 000 personnes, c’est une organisation très complexe, détenue par 39 caisses régionales. Nous finançons 50 % de l’économie française et la moitié des clients particuliers français.

La question que nous nous sommes posés a été : comment faire de l’innovation et de l’agilité ?
La réponse : créer une start-up, CA Store, avec un circuit de décision rapide, un cycle d’évolution tous les 3 mois. Les caisses régionales du Crédit Agricole ont vite compris que le CA Store constituait pour elles et tout le groupe une bulle d’oxygène.

Le CA Store fait de l’innovation qui irrigue tout le groupe dans les domaines des usages, sur les applis, en matière de sécurité. Chose intéressante : la sécurité était un centre de coûts, elle est devenue une source de création de valeur.

Nous fonctionnons en mode startup, avec un budget forcément limité autour du million d‘Euro. Nous sommes 5 personnes, appuyées par une SSII qui met à disposition 3 personnes.

Quelles disruptions apporte le CA Store ?

Nous sommes partis du constat que le client impose de nouvelles façons de se connecter à la banque, ce qui force à penser la relation client de manière différente.

3 domaines en particulier ont été concernés :

1. La conception des applications
Jusqu’à il y a peu, le directeur marketing se posait comme l’âme pensante de l’appli. Les choses se sont inversées : c’est au client de donner la possibilité de définir son besoin. Cela passe chez nous par des ateliers de co-création où nous écoutons la vision des clients. Nous avons donné aussi la possibilité aux clients de poster leurs idées sur notre site.

2. La relation client
Notre méthodologie projet est adaptée au développement d’infrastructures techniques mais pas au développement de la relation client digitale.
Pour changer les choses, le réflexe a bien sûr été de vouloir faire de la formation en interne, mais ça n’a pas marché. L’idée a alors été de chercher des développeurs à l’extérieur. Nous avons créé une coopérative de développeurs. Elle est aujourd’hui constituée de 40 membres, aussi bien des auto-entrepreneurs que des sociétés comme IBM, répartis sur tout le territoire national.

3. Un nouveau modèle de collaboration avec les développeurs.
Nous ne leur achetons pas les applis qu’ils produisent. Cela aurait fait d’autant moins de sens que les applis une fois produites génèrent des coûts de maintenance, avec de nouvelles versions en permanence.
Comme les applis sont gratuites pour le client, nous rémunérons les développeurs à l’usage fait par les clients. Nous installons ainsi une relation dans le temps avec les développeurs, qui font évoluer les applis, afin d’attirer et fidéliser un maximum d’utilisateurs.
Le Crédit Agricole propose aujourd’hui 42 applis, ce qui est supérieur aux autres banques, et ce 18 mois seulement après le lancement du projet.

Alors qu’une banque est un coffre-fort, nous avons choisi, à contre-pied, d’avancer en mode open API, : nous avons ouvert le système d’information. Du coup, nous avons été obligés d’être encore plus forts en ce qui concerne les systèmes de sécurité. Par exemple, les 8 caractères minimum imposés par l’industrie bancaire ne sont pas adaptés aux terminaux mobiles, il a fallu s’adapter et être encore plus sécurisés.

Quelles sont les next steps ?

Nous allons faire en sorte que le mode d’open API ne soit pas utilisé que pour le B to C mais aussi en B to B, et notamment dans nos agences.
L’agence doit être repensée, en tant que lieu de travail et d’espace client. La tablette va y jouer un rôle central, elle va remplacer le poste de travail, avec des applis dédiées.

Au-delà, tous les systèmes d’information en interne seront revus : les finances, la comptabilité, le risque, les RH. Les DSI au sens classique doivent etres repensées dans cette organisation comme fournisseur de plate-forme…

En tant que banque, nous gérons le capital numérique d’un client, et ne pas laisser les GAFAs (Google, Apple, Facebook, Amazon) le faire, car aucune info ne doit circuler sur le réseau. Nous développons un système d’authentification unique « DataConnect », avec des partenaires comme SNCF, Pôle Emploi, Total, Orange, IBM… regrouppés en Think Tank sous l’égide du pôle Finance - innovation.

 

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"Disruption(s) dans la banque", une série de trois articles:

1. Prêt d’Union, le spécialiste français du crédit entre particuliers

2. Comment le Crédit Agricole prend l’industrie bancaire à contre-pied

3. Comment Linxo révolutionne la gestion de votre argent

Lire aussi : Crowdfunding - la France bouleverse le monde de la finance

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