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Encore un article sur l’intelligence artificielle et le marketing

Philippe Rolet CTO d'Artefact. A la rencontre du conseil marketing, de la technologie data et de l'univers créatif, Artefact est une agence d'innovation data qui révolutionne l'expérience client en s'appuyant sur les données.

Il y a quelques années, on disait souvent du Big Data qu'il était comme le sexe pour les adolescents : tout le monde en parle, tout le monde dit qu'il le fait, mais personne ne sait vraiment ce que c'est.

Aujourd’hui, l'intelligence artificielle, c'est comme le Big Data.

A.I. is the new Big Data

Filons un peu la métaphore : certains adolescents savent en fait de quoi ils parlent, car ils ont eu l’occasion de pratiquer. Ce sont les “cool kids” du lycée : la reine du bal de promo, le capitaine de l'équipe de foot, etc. Mais ils masquent certains détails qui nuiraient à leur popularité.

Et qui sont ces “cool kids” pour l'IA? Google, Amazon, Facebook, IBM, Microsoft... et un florilège de startups émergeant dans des branches spécialisées du domaine. Les géants technologiques du début du XXIe travaillent d'arrache-pied pour réussir à "get lucky"; ils communiquent beaucoup, et surtout sur le beau revers de la médaille--même si parfois certains écueils sont révélés.

Mais pour ceux qui ne dépensent pas des milliards en R&D, comment comprendre l'intelligence artificielle ? La question est complexe et pour cause : il n'y a pas de définition claire de l'intelligence artificielle car il n'y a pas de définition claire de l'intelligence tout court--"Qu'est-ce que l'intelligence?" est un sujet typique de bac de philosophie. C'est pourquoi il y a autant de réponses que d'inepties dans les débats pour savoir si tel algorithme ou cas d'usage est de l'IA, ou du machine learning, ou du data mining, ou du natural language processing avec un peu d'internet-of-things mais attention ça n'est pas de l'IA, etc.

Prenons donc une approche très pragmatique en s'inspirant de Marvin Minsky, un des pères fondateurs du domaine : une intelligence artificielle est un programme informatique qui s’adonne à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains.

L'IA n'est donc pas une technologie particulière ou un algorithme précis. C'est le nom de tout programme au service des problèmes qu'on cherche à résoudre avec des machines plutôt que des humains.  Cette vision pragmatique a l'avantage de centrer le débat sur le but recherché, ce qu’on veut accomplir--plutôt que sur le moyen utilisé.

 

Le marketing a utilisé, utilise et utilisera l'intelligence artificielle

 

Il y a quelques années, pour faire des campagnes, on constituait un focus group de personnes qui réfléchissaient fort, assistés par quelques sondages TNS, études de marché et autres, pour définir les 3 ou 4 segments à cibler.

Désormais, des programmes analysent des grosses masses de données quantitatives, et découvrent automatiquement cette segmentation--et parfois dénichent de nouveaux segments pertinents.

On avait un problème complexe qui requérait attention et intelligence humaine pour être bien traité. Un algorithme s'en occupe désormais pour nous, et le fait parfois mieux. C'est de l'intelligence artificielle[1].

Jusqu'à l'an dernier, on définissait manuellement les différentes étapes de ses campagnes, quels canaux utiliser et quels messages montrer à qui et quand. Désormais, un logiciel fait ces choix automatiquement et trouve quels sont les "customer journey" optimaux pour chaque typologie d'individu.

On avait un problème complexe qui requérait attention et intelligence humaine pour être bien traité. Un algorithme s'en occupe désormais pour nous, et le fait parfois mieux. C'est de l'intelligence artificielle.

L'algorithme utilisé n'a pas d'importance. Il peut s'agir de forêts aléatoires. Il peut se fonder sur un auto encodeur débruitant (il s'agit d'une forme de "deep learning"). Il peut utiliser un moteur de règles d'inférence. Ou bien il peut reposer sur de la programmation dynamique, technique qui date de 70 ans avant même qu'on parle d'intelligence artificielle--ce qui ne l'empêche pas d'être bien plus brillante que certaines techniques récentes se proclamant "IA". Il peut même tout simplement avoir stocké en mémoire les bonnes réponses et les restituer. Tant qu'il résout le problème qu'on ne savait pas traiter auparavant sans l'intervention d'un cerveau humain, c'est de l'IA.

Les exemples ci-dessus sont deux applications réelles et actuelles de l'IA au marketing--le ciblage, et la diffusion de campagne--qui portent déjà leurs fruits. Il y en a eu d'autres et il y en aura d'autres. Lesquelles ? Et pour un CMO, quand se lancer et comment?

[1] On parle ici d'IA faible, c'est à dire ciblée sur tâche particulière. L'IA forte, capable de réagir face à n'importe quel problème de n'importe quel domaine aussi bien qu'un humain le ferait, est un autre sujet

 

Loi de Moore et GPUs

 

Commençons par la question du quand : l’IA, c’est maintenant, et même un peu avant. L'IA se construit depuis la fin des années 50 et a eu des hauts et des bas--on parle d'ailleurs des "hivers de l'IA" pour les décennies 70-80 et 90-2000. Cela dit, depuis les années 2000 elle connaît un essor continu et toujours plus d'applications. Le ton a été donné en 1997 avec la victoire de Deep Blue contre Gary Kasparov aux échecs. En 2003, Amazon sort son moteur de recommandation produit intelligent (responsable de 35% de leur CA). En 2006, Google Translate commence à être utilisé industriellement pour la traduction automatique. En 2011, Watson d'IBM remporte le fameux jeu américain Jeopardy contre les champions humains. En 2016, AlphaGo de Google terrasse Lee Seedol, champion mondial de Go--un des rares jeux qui résistait encore à la domination des ordinateurs.

Qu'est-ce qui explique cette ascension ? 3 facteurs majeurs :

  • Parallélisations et data mining
    De nouvelles techniques d'apprentissage statistiques imaginées et développées dans les années 80 ont pu se développer et prospérer à partir de la fin des années 90, grâce à la volumétrie toujours plus grande de données disponible pour les entraîner, et à une simplicité croissante de parallélisassions des traitements, logicielle (hadoop puis spark par exemple) comme matérielle (infrastructure-as-a-service, hébergement cloud d'Amazon puis Google, Microsoft, etc.).
  • Augmentation de la puissance de calcul
    Certains algorithmes imaginés dans les années 60 à 90 étaient peu utilisables sur des cas d'usages complexes car tout simplement beaucoup trop lents. La fameuse loi de Moore--le nombre de transistors dans un circuit intégré double approximativement tous les 2 ans--les a libérés de la contrainte de vitesse. A noter que cette loi a atteint depuis quelques années ses limites et n'est plus d'actualité, comme annoncé d'ailleurs par Moore lui-même.
  • Un "hardware" customisé
    Les Graphical Processing Units (GPUs), processeurs dédiés à l'origine pour le jeu et la vidéo, se sont révélés être extrêmement performants pour faire tourner certains algorithmes de machine learning--en particulier ceux dits de "deep learning"--jusqu'à 1000 fois plus vite que les processeurs classiques grâce à leur architecture spécialisée.

Si jamais il était encore question de se convaincre de cette tendance, les deux data points suivants devraient fixer les idées. Premièrement, l'investissement financier en IA en 2016 est presque 10 fois plus élevé qu'en 2012. Deuxièmement, nVidia, entreprise cotée au NASDAQ, qui produit des cartes graphiques équipées justement de GPUs, était connue jusqu'alors principalement des gamers. Sa capitalisation boursière a été multipliée par 5 en 18 mois.

Le "What's next?" pour le marketing - Vers la créativité artificielle

 

On dit que les technologies d'automatisation et d'apprentissage ont beaucoup à apporter au marketing (comme, en fait, à tous les secteurs)--mais comment ?

On entend parler par exemple de réalité augmentée (A.R.). Aujourd'hui avec la caméra d'un smartphone, et demain avec des lunettes spécialisées--après la tentative avortée Google Glass, Snapchat tente à nouveau l'expérience. Le concept popularisé par Pokemon Go pourrait se démocratiser. Les algorithmes de reconnaissance visuelle permettront aux applis d'enrichir le champ visuel; par exemple en filmant une robe avec une appli d'e-commerce, je pourrais retrouver sa référence; en regardant dans une direction et en demandant où est le distributeur de billets le plus proche, il se mettra à clignoter ou une flèche l'indiquera (il n'y aura plus de distributeurs de billets cela dit); chaque app pourra avoir son usage A.R. Et pour la pub, après Adwords il y a eu le display puis le native et la vidéo puis le push notif in-app-le coup suivant serait le push A.R.?

On entend aussi parler de marketing émotionnel dynamique : les outils de mesure prolifèrent pour savoir où et quand vous portez votre attention. On pourra bientôt suivre où porte le regard lors d'un visionnage vidéo sur mobile. En couplant à d'autres signaux, il sera possible d'apprendre ce qui plait / ne plait pas dans un spot selon l'état d'esprit du moment de l'utilisateur, et de l'adapter en temps réel selon les individus : ça serait la next step de la DCO (Dynamic Creative Optimization)

Cela dit, ces perspectives restent pour l’instant des arlésiennes--peu de réalisations concrètes à date. Le domaine du marketing où l’IA a commencé à faire ses preuves c’est la créativité.

Une machine peint le prochain Rembrandt. Coca-Cola fait créer ses publicités par des algorithmes. McCann Japon engage un Directeur Créatif artificiel. Un chatbot prédit les futurs concepts artistiques. Bien sûr, beaucoup d'effet d'annonce et de buzz dans tout cela, mais la tendance est marquée.

Quels sont les projets réalistes ? quels sont les projets vraiment porteurs ? Qu'est-ce qui dans ce foisonnement d'idées et d'innovation échouera ou réussira ? Il n'y a qu'une seule vraie façon de le savoir. Prendre le risque et innover--éventuellement en s'entourant d'experts 🙂. En sachant s'appuyer sur les technologies des GAFIMs et les APIs d'IA qu'ils mettent à disposition (IBM Watson, Google Cloud Machine Learning, Amazon ML, etc.), ou en travaillant avec une des nombreuses startups qui se lancent dans ce type de sujet.

En revanche, développer en interne sa propre technologie d'IA n'est probablement pas la bonne voie. A moins que la technologie sur laquelle vous voulez travailler soit complètement fondamentale pour votre business (par exemple si vous êtes une startup de reconnaissance visuelle), inutile d'essayer de faire mieux que les géants tech qui investissent massivement dans l'IA.

Surtout, soyons visionnaires et rêveurs lors des keynotes--et pragmatiques et réalistes lors des lancements de projets. L'ambition mal maîtrisée devient l'ennemi du succès; l'imagination sur le potentiel de l'IA déborde plus que le Nil pendant le déluge.

Dans les années 60, les chercheurs en intelligence artificielle prédisaient l'avènement de l'IA forte, qui fait tout mieux que les humains sans assistance, pour les années 90. Epic fail. Mais en 2000 les ordinateurs savaient quand même lire des chèques écrits, détecter des cas complexes de fraudes bancaires et battre les humains aux échecs.

Dans les années 2010, certains annoncent à nouveau la fin du travail et le remplacement intégral de l'homme par des programmes dans 30 ans. L'histoire permet de douter de cette timeline agressive. Mais l'IA arrivera sans doute à conduire votre voiture, à faire vos courses, à trouver les métiers sous-jacents des échecs et succès de vos campagnes digitales, et à créer le slogan de votre prochain produit--qui sera lui même probablement empreint d'IA. En 2040, les machines ne penseront pas toutes seules mais elles se marketeront toutes seules.

 

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