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Parcours magasin et hors magasin : un nouveau modèle – Entretien avec Isabelle Bordry (Retency)

Retency, spécialisé dans la transformation digitale des grandes enseignes, a mis au point un procédé de mesure d’audience sur la voie publique garantissant l’anonymisation des données collectées. Le premier déploiement expérimental de cette nouvelle technologie a en effet été autorisé par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) dans sa délibération du 9 mai 2017, la mise en oeuvre de ce procédé répondant à l’ensemble des exigences applicables à la protection de la vie privée.

Nous avons interviewé sa Présidente, Isabelle Bordry.

Fait unique à ce jour, vous venez d’obtenir l’accord de la CNIL pour le traitement des données sur la voie publique. Pourquoi ?

Face à la montée en puissance des grands acteurs du Web, l’enjeu pour les marques, les enseignes de distribution mais aussi les media traditionnels, comme le mobilier urbain, est de pouvoir disposer d’outils de mesure aussi pertinents qu'efficaces.

C’est dans ce contexte que nos équipes techniques ont mis au point un nouveau procédé qui a obtenu une autorisation de la Commission Nationale Informatique et Liberté, le 9 mai 2017.

C’est une première en France et en Europe. C’est une grande fierté pour toute l’équipe.

Ce procédé totalement innovant permet d’analyser les flux d’audience sur la voie publique dans le respect le plus strict des règles de protection des individus.

Il permet notamment d’optimiser les campagnes publicitaires sur du mobilier urbain de la même manière que sur un support digital (Web – Mobile), en 24/7.

Il a également la possibilité de suivre les indicateurs suivants : le nombre de passages devant un support, le taux de répétition, le taux d’engagement (temps passé devant le support) et l’impact « Drive to Store »

La méthode proposée permet une anonymisation totale. Le procédé repose sur un mode de collecte spécifique et un traitement de l’information collectée totalement innovant qui rend impossible même dans le cas de collision avec d’autres fichiers de reconstituer des parcours.

En effet, la « pseudoanonymisation » de données collectées sur la voie publique c’est-à-dire le suivi de parcours même anonyme n’est pas acceptée par la CNIL. Ce procédé n’étant pas suffisamment « solide » face notamment à des hackers qui pourraient comparer cette base à d’autres et reconstituer des parcours individuels.

Parcours en magasin et hors magasin : quelle data capter, avec quel capteur et à quelle fin ?

Il existe de nombreux outils de collecte.

Mais nous avons fait le choix d’écrire notre propre carte électronique. Celle-ci contient des têtes de lecture adaptées en fonction de la donnée que l’on souhaite collecter : radiofréquences, plaques d’immatriculation, etc. Nous avons pris le parti d’être multi senseur :  plus la capacité de collecter de l’information est grande, meilleure sera la réponse aux besoins de nos clients.

Nos clients souhaitent à l’instar de ce qui se fait sur le web, comprendre ce qui se passe entre la porte d’entrée de leurs magasins et la caisse. Et ce de la même manière qu’un éditeur d’un site web analyse la « navigation » de ces visiteurs sur son site.

Notre objectif est de donner plus d’intelligence aux marchands grâce à cette donnée. Jusqu’à présent les enseignes avait pour habitude de suivre et d’analyser l’efficacité d’un magasin uniquement par le prisme du chiffre d’affaires généré.

Or aujourd’hui, le chiffre d’affaires peut être généré sur d’autres supports que dans le magasin lui-même, sur le mobile ou sur internet notamment. Et le parcours ne commence pas dans le magasin, mais dans la rue.

La compréhension de ces comportements concerne évidemment les enseignes mais également les foncières, qui sont les Google du monde physique.

Les objectifs d’une foncière sont les mêmes que ceux d’un media : attirer le maximum de visiteurs, faire des centres commerciaux des lieux de vie, des lieux d’expérience et d’Entertainment. Leur mission est la même : fédérer des visiteurs, et les orienter auprès d’enseignes en fonction de leurs centres d’intérêt.

Les modèles économiques évolueront. Et pour ce faire, les acteurs traditionnels se doivent de mieux appréhender ces informations de flux, avec des notions de couverture de la population, de profil CSP, de typologie démographique, de taux de répétition, etc.

Enfin les afficheurs sont également concernés. Leur métier reste inchangé, à ceci près qu’ils peuvent se doter d’outils de mesure susceptibles de concurrencer Google. 

Les gafa ne sont-ils pas les mieux positionnés pour tirer parti de la data voie publique ?

Les Gafa rendent des services formidables qui transforment nos vies quotidiennes. Mais , en échange chacun d’entre nous accepte de donner beaucoup d’informations sur soi, sans avoir toujours conscience de l’utilisation qui peut en être faite.

C’est un état de fait, les Gafa parviennent aujourd’hui à faire un lien direct entre nos centres d’intérêt digitaux et nos comportements dans la vie quotidienne, y compris dans le monde physique.

Il n’est pas possible pour les acteurs privés traditionnels, foncières, enseignes ou marques, de les empêcher d’avoir ce type d’information. En revanche, il est absolument essentiel qu’ils puissent accéder à ce même type d’informations pour éviter d’être « uberisés ».

Ils doivent donc se doter d’outils pour pouvoir être, eux aussi, pertinents sur l’information qu’ils ont et  l’analyse de ces données. Retency les accompagne.

A qui appartient la donnée ?

La donnée collectée et analysée par Retency appartient aux enseignes, et ou au média.

Comment s’articulent donnée, vie privée et innovation ?

Le Web et le Cloud transforment complètement nos vies quotidiennes, voire même « prennent possession » de notre vie quotidienne.

Rappelons-nous l’avertissement de Steve Jobs, au moment où il lançait l’iPhone :  une révolution était en cours, mais elle n’allait pas sans la prise de conscience des conséquences, notamment la responsabilité des grands acteurs du Web vis-à-vis des plus jeunes, la localisation étant perçue par Steve Jobs déjà comme un élément extrêmement intrusif voir dangereux.

Dans les grandes périodes d’innovation, il est difficile pour les acteurs de s’autoréguler.

On n’a pas attendu que les constructeurs automobiles écrivent le Code de la route, et se dotent eux-mêmes des ceintures de sécurité. Et par ailleurs, réguler le secteur automobile ne l’a pas empêché de se développer, bien au contraire. Dans un univers en profonde transformation du fait de ruptures technologiques fortes, le régulateur a un rôle important à jouer..

Dans le cas présent, c’est en intégrant les contraintes du régulateur, que le procédé a été conçu. En effet, nous pensons qu’un surcroît d’innovation permet de protéger les bienfaits de l’innovation tout en protégeant les libertés individuelles. C’est ce que nous avons réalisé grâce à ce procédé, l’acceptation par la CNIL est donc une étape clé. 

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