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Pour être disruptif en display il faut retourner 270 ans en arrière !

Par Redouane Bellani, Conversant

 

Pas besoin de calculette, c’est en 1747 que je vous invite à faire un tour et si vous êtes audacieux vous y emmènerez votre marketing digital à votre tour. Rangez votre DMP, votre DSP, vos outils d’attribution et votre intelligence artificielle. Votre bon sens, lui, est le bienvenu.

L’époque dont je parle est celle où on sondait les limites du globe et où les exploits des explorateurs se faisaient au prix d’une lutte contre les maladies, dont le redoutable Scorbut. Avec une mortalité de près de 80 %, cette maladie décima d’innombrables équipages jusqu’au 18éme siècle et sa disparition doit beaucoup à James Lind, médecin en chef du HMS Salisbury.

Lorsqu’en Mai 1747, 12 marins du HMS Salisbury sont victimes de la maladie, James Lind entreprend de tester de potentiels traitements d’une manière singulière. Lind constitue un groupe témoin ou groupe « Control », composé de marins malades nourris de manière habituelle, ainsi que différents groupes « Test » bénéficiant du même régime de base mais auxquels on a associé un aliment supplémentaire spécifique. Au bout de quelques jours de traitement un groupe de marins manifeste une très nette amélioration, celui ayant bénéficié d’une ration d’agrumes en plus du régime de base.

Ce n’est que de 2 siècles plus tard qu’une démonstration scientifique (l’action de l’acide ascorbique ou vitamine C) est venue soutenir la démonstration de causalité (la capacité des agrumes à soigner la maladie) ayant permis de sauver un nombre incalculable de vies. L’épisode du MSH Salisbury constituait une forme primitive d’expérimentation aléatoire contrôlée. Quelques centaines d’années plus tard, les essais randomisés contrôlés (Randomized Controlled Trial ou RCT en anglais) ont contribué à faire passer la médecine au statut de science et leur rigueur et fiabilité permettent au travers des essais cliniques de tester l’efficacité des nouveaux traitements médicaux.

En quoi cela devrait intéresser le Marketer que vous êtes ? Un parallèle serait de considérer que l’une de vos missions est de lutter contre le mal de croissance et que pour y parvenir vous devez user des différents traitements publicitaires à votre disposition. Mais au-delà de l’aspect trivial de cette comparaison entre ces deux disciplines, c’est du côté de la méthode de mesure de l’efficacité d’un traitement que le domaine publicitaire devrait vraiment s’inspirer du domaine médical.

La faillibilité de l’attribution comme élément d'appréciation du revenu incrémental:

Force est de constater que si vos traitements publicitaires sont de plus en plus évolués, leur capacité à garnir réellement un compte en banque plutôt qu’un dashboard statistique reste toujours aussi difficile à prouver. Et ce n’est pas l’amélioration des outils ou méthodes d’attribution qui pourra y remédier. En effet on aura beau décréter que c’est le dernier clic, le première impression ou toute autre combinaison de touchpoints qui constitue le fait (individuel ou collectif) générateur d’une vente, aucun d’entre nous n’est capable d’entrer dans la tête des consommateurs pour y déceler ce qui motive l’acte d’achat dans un parcours complexe.

La faillibilité de l’attribution comme méthode d'appréciation du revenu incrémental tient également à son incapacité à prendre en compte l’exhaustivité des touchpoints digitaux, à son incapacité à prendre en compte le moindre touchpoint non digital et enfin à son incapacité à prendre en compte la faculté intrinsèque d’une marque, d'un mix media ou d’une promotion à générer un volume de ventes de base (Baseline).

Une méthode d’attribution est un outil extrêmement utile dans une logique de monitoring et d'optimisation d’un nombre important d’indicateurs de performance liés à toute activité digitale mais elle ne doit cependant pas être votre gouvernail business, au risque de mener celui-ci dans toutes les directions sauf celle qui intéresse votre Direction, à savoir des gains de points de croissance et de parts de marché.

Choisir la mauvaise méthode pour déterminer l’efficacité, en termes de revenu incrémental, d’un traitement publicitaire n’a heureusement pas les mêmes conséquences qu'utiliser une mauvaise méthode pour déterminer l’efficacité d’un traitement médical. Mais si des victimes humaines ne sont pas à craindre, il n’en est pas de même pour une part importante de vos budgets media et de la croissance de votre société.

En matière de revenu incrémental, tout n’est pas mesurable scientifiquement, mais ce qui peut l’être doit l’être !

Ceci doit vous amener à vous poser une question : pourquoi les expériences contrôlées, dont la fiabilité en matière d’étude de la causalité est incontestable, n’ont pas encore supplanté les méthodes d’attribution qui sont loin d’apporter le même niveau de garantie. La réponse réside peut-être dans le fait que l’attribution a le mérite d’offrir une lecture globale là où l’expérience contrôlée, communément appelée méthode Test vs. Control (mais aussi communément confondue avec l’A/B testing), se limite à isoler l’impact d’une variable unique par rapport à l’ensemble du mix media.

L’autre limite de la méthode Test vs. Control, qui favorise l’attribution, réside dans le fait que les expériences contrôlées impliquent qu’on puisse avoir une capacité de contrôle. En effet pour isoler l’effet net d’une variable dans un mix media global il faut être capable de créer et de maintenir dans le temps un groupe Control, exposé à votre mix media quel qu'il soit et un groupe Test, exposé au même mix media et dans les mêmes conditions mais auquel on ajoute un traitement publicitaire auquel le groupe Control n’est pas exposé. Si l’on pense donc à des canaux tels que le Search ou l’Affiliation il est impossible d’empêcher une audience d’être exposée à l’un ou l’autre de ces canaux, les rendant ainsi inéligibles à cette méthode de mesure et pour lesquels l’utilisation d'une méthode d'attribution reste l’option la plus appropriée.

Ce n’est cependant pas le cas du canal Display, notamment dans le cadre d’un achat programmatique. En effet, la création des groupes Control et Test peut se faire par distribution aléatoire des cookies/profils dans chaque groupe au moment où vous gagnez vos enchères. Les cookies/profils membres du groupe Control seront soumis à un traitement publicitaire neutre (des bannières d’ONG par exemple) et les cookies/profils membres du groupe Test seront soumis au traitement publicitaire dont vous souhaitez mesurer le revenu incrémental. Il est primordial que les cookies/profils affectés à un groupe, y demeurent tout au long de l’expérimentation pour la validité de celle-ci.

Il y a une multitude d’autres éléments nécessaires à la validité statistique de ce type de méthodologie, et la réaliser en dehors d’un cadre strict de rigueur revient à remplacer une mauvaise méthode parfaitement exécutée par une bonne méthode mal exécutée. En d’autres termes, ne jouez pas aux apprentis statisticiens et assurez-vous de disposer du cadre technique et méthodologique adéquat avant de vous lancer. L’énorme avantage d’une méthode scientifique est que la fiabilité de la méthode est aussi vérifiable que la fiabilité du résultat. Ne vous en privez pas !

Le potentiel d’un canal Display libéré du carcan de l’attribution:

Mesurer de manière juste et démontrable est déjà une excellente raison d’adopter la méthode Test vs. Control pour les canaux qui y sont éligibles mais à y regarder de plus près les enjeux peuvent être énormes pour le canal Display.

En mesurant l’incrémental par la méthode Test vs. Control vous n’êtes plus otage des frontières d’audience fixées par vos taux de conversion Post Click et/ou Post View. En effet tant que le différentiel de conversion entre les audiences exposées et non exposées génère un incrémental de revenu justifiant l’investissement l’ayant créé, vous n’avez aucune raison de couper votre investissement. En vous appuyant sur cette méthode vous pouvez donc aller chercher de l’incrémental plus loin que vous ne vous autorisez à le faire aujourd’hui et le périmètre d’action de votre canal Display en sera considérablement augmenté.

En allant plus loin, vous pouvez étudier l’élasticité du différentiel de conversion à la pression marketing. En d’autres termes vous allez pouvoir identifier le moment où la répétition cesse d’augmenter le différentiel de conversion. En limitant la répétition au minimum utile,  vos impressions économisées peuvent être réinvesties sur une audience toujours plus large et sur des durées d’exposition plus longues.

En effet des investissements pilotés par une méthode de mesure Test vs. Control, permettent de poursuivre deux objectifs pour votre cohorte exposée. Extraire son potentiel transactionnel immédiat (objectif transactionnel) d’un côté mais aussi œuvrer, au travers d’une exposition continue sur plusieurs mois, à en changer le niveau d’engagement sur la durée par l’augmentation de la fréquence de visite et d’achats notamment (objectif relationnel)

Adopter la méthode Test vs. Control pour piloter votre investissement media permettra donc d’enclencher un cercle vertueux qui contribuera non seulement à augmenter drastiquement le potentiel et le rendement de votre canal Display mais également sa capacité à mobiliser des ressources budgétaires additionnelles.

Il ne s’agit pas non plus de penser que le seul changement de méthode de mesure améliorera par magie vos performances. Le gouvernail a beau être une pièce maitresse lorsqu’on souhaite aller dans la bonne direction, le bateau doit jouer son rôle en vous emmenant en toute sécurité vers de nouveaux territoires.

Le nécessaire alignement des capacités techniques sur la méthode de mesure:

Si le potentiel de revenu incrémental est mathématiquement plus important lorsqu’on s’adresse à une base d’audience plus large, il en va de même pour le budget media additionnel nécessaire au financement de cette expansion. Le meilleur moyen de réaliser cette expansion dans le respect des objectifs de rentabilité de votre société est d’augmenter votre Reach sur les parties les plus rentables de votre tunnel marketing en l’occurrence vos clients, vos visiteurs et enfin les prospects ressemblant le plus à vos meilleurs clients. Encore faut-il disposer de la capacité à établir et maintenir le contact avec le maximum d’entre eux alors que les cookies qui peuvent y être associés sont éphémères et ne vous permettent plus de les cibler.

 

Ceci nécessite donc une capacité à continuellement réassocier vos clients à de nouveaux Devices et cookies à mesure qu’ils changent et à maintenir un lien avec eux, même lorsqu’ils cessent de visiter votre site. En outre, chaque prospect ou client étant potentiellement différents cookies, différents navigateurs et différents Devices, vous devez être capable de les réconcilier de manière continue autour d’un profil unique afin d’éviter de vous adresser à la même personne une dizaine de fois en pensant que ce sont dix personnes différentes.

 

S’adresser à plus de personnes augmente également  la nécessité de leur parler différemment. Si un traitement médical permet généralement d’être efficace quel que soit la typologie de patient, il n’en va pas de même dans le domaine publicitaire. En effet, l’efficacité de votre traitement publicitaire dépendra beaucoup de votre capacité à l’adapter à chaque personne et même si votre objectif pour chaque personne ciblée peut être le même la manière de l’atteindre peut difficilement être la même. Vous ne devez évidemment pas vous adresser à un client de la même manière qu’à un prospect, pas plus que vous ne devriez vous adresser à des personnes dont l’engagement est lointain de la même manière qu’à ceux qui étaient sur votre site la semaine dernière.

 

L’avenir du Display appartient à ceux qui le disrupteront tôt.

 

En définitive, changer d’approche nécessite de sortir de sa zone de confort et il est évident qu’en maintenant vos méthodes inchangées, vous naviguez dans le confort de ce qu'ont pu faire vos prédécesseurs et dans l’image potentiellement flatteuse que renvoient vos méthodes de mesure actuelles. Mais c’est justement là où vous devez avoir l’audace de favoriser l’efficacité utile, celle faisant gagner des parts de marché, au confort du statu quo. Vous iriez ainsi explorer les limites de ce que votre canal Display est capable de générer comme revenu incrémental et comme potentiel de croissance pour votre société et en faire le fer de lance de votre marketing digital ainsi qu’un véritable avantage compétitif.

 

 

 

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