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Pascal Delorme (Accenture Digital) : les CEO doivent entrer dans l’ère de l’entreprise logicielle

Pascal Delorme est Directeur Exécutif de l’entité Accenture Digital en France et au Benelux, qui intègre l’ensemble de l’offre de services numériques d’Accenture.

Pascal Delorme a travaillé chez Accenture entre 1987 et 2007 avant de rejoindre la branche TGV de la SNCF où il a passé quatre ans en tant que Directeur Commercial, Marketing & Informatique. Il était membre du Directoire et avait en charge la distribution (dont la filiale voyages-sncf.com), le marketing client et produit et l’informatique. Pascal Delorme possède une solide expertise dans le domaine de la transformation numérique, de la relation clients multicanale (à l'origine entre autres de Voyages-sncf.com, d’IdTGV et de Ouïgo) et du conseil en stratégie. Il est par ailleurs l’auteur de plusieurs articles sur les grands enjeux du numérique et l’expérience client. Pascal Delorme est diplômé et actuel Président de l’Ecole Centrale de Lille.

Où en est Accenture Digital ?

Accenture Digital a été créé il y a quatre ans, en regroupant les activités analytics et  interactive qui préexistaient au sein d’Accenture. La création de l’entité digitale s’est révélée visionnaire. Accenture Digital s’est élargi aux activités liées à l’intelligence appliquée dont l’IA et l’automatisation.

Nous avons choisi de mener une politique de croissance inorganique, une nouveauté pour Accenture jusque-là. Notre politique d’acquisition a ciblé des entreprises de taille intermédiaire, entre 150 et 500 personnes. Nous avons commencé avec Fjord, suivi par Mobgen en Hollande, et Kuntsmaan numéro 2 des agences indépendantes en Belgique, puis par Octo et Altima en France. Les effectifs d’Accenture Digital ont été multipliés par 4 en 18 mois. Accenture Digital est aujourd’hui largement composé de collaborateurs issus des sociétés acquises. A aucun moment, il ne s’est agi de leur imposer une culture Accenture. Au contraire, ces nouveaux profils nous aident à transformer notre propre culture..

Nous pensons que le changement de culture est la botte secrète de la transformation. La question est précisément :  comment inventer une nouvelle culture ?

De fait, depuis son acquisition, Octo se porte très bien, avec une très bonne croissance et conserve sa place de deuxième au palmarès Great Place to World des entreprises de moins de 500 collaborateurs.

Aujourd’hui Accenture Digital s’articule autour de trois domaines :

  • le digital customer et l’expérience, porté par Accenture Interactive, notre agence de l’expérience
  • le digital techno, porté par Octo, avec des sujets comme l’applied intelligence, l’agilité, le new tech, il s’agit notamment de montrer et déployer concrètement l’intelligence artificielle
  • l’industry X.0, qui recouvre le digital dans l’industrie, c’est-à-dire notamment l’engineering et le manufacturing, la supply chain, l’après vente.

Nous réalisions historiquement davantage de chiffre d’affaires dans le digital customer que dans le digital entreprise, la répartition s’est équilibrée, notamment du fait de l’explosion du digital dans l’industrie.

Transformation des entreprises : pourquoi faut-il s’intéresser à ce qui se passe dans l’industrie ?

On n’accorde pas à l’industrie l’attention qu’elle mérite. Les industriels sont des investisseurs, au sens fort. Ils construisent des usines, établissent des programmes, créent des Digital Factories, s’engagent sur des projets profonds et durables. Les industriels sont sortis de l’ère du proof of concept (POC), qui ne se traduit pas toujours par du déploiement industriel. Ils sont passés à la logique du Minimum Viable Product (MVP), qui débouche au final sur la sortie d’un produit. Dans ce concept, il y a la notion de minimum, qui renvoie lui-même à l’approche frugale. On retire tout ce qui n’est pas indispensable, et on se concentre sur le viable. C’est ainsi que le produit, peut être lancé avec une économie de moyens, et une fois lancé, peut passer à la phase proprement industrielle et à l’échelle.

Pas un seul CEO néglige le risque de passer à côté de la digitalisation et de la transformation de son entreprise. Les industriels n’en sont pas moins aujourd’hui à une étape charnière. Pendant trois ou quatre ans, beaucoup leur a été dit et suggéré, notamment par les consultants, sur la transformation digitale qu’ils ont du reste pris de fait à bras le corps. Le risque est désormais d’assister à un retour de balancier.

Le sujet de fond c’est en fait la mentalité. Tout CEO comprend qu’il doit réussir le changement de son entreprise. Il doit également comprendre que la croissance exponentielle n’est pas le monopole des startups, la question est surtout de savoir comment son entreprise peut prendre le chemin de la croissance exponentielle.  Il ne s’agit pas de dire ce que doit être une entreprise ni même un produit - aucun consultant ne s’y risquerait. Ce qu’il faut, c’est faire basculer les hommes et les femmes. Pour fabriquer ses fusées d’un nouveau genre, Elon Musk a recruté des collaborateurs de la NASA : ce sont les mêmes hommes et femmes, les mêmes compétences, c’est l’état d’esprit qui change. La DSI, le marketing, l’ensemble des collaborateurs doivent intégrer le logiciel : ils doivent comprendre que l’entreprise doit devenir une entreprise logicielle. Le CEO doit aider ses collaborateurs à penser le business dans les technologies de l’information.

La data change-t-elle la chaîne de valeur ? Comment ?

La data change la chaîne de valeur. La data fait notamment entrer les entreprises dans l’ère de la coopétition. Les dirigeants d’entreprise se doivent de favoriser et créer des liens de coopétition, notamment dans des situations où il serait plus facile de penser le business dans un schéma concurrentiel.

Faurecia, l’équipementier automobile, installe des capteurs dans les sièges des voitures, qui permettent entre autres de détecter l’éventuel assoupissement d’un conducteur. A quel niveau de la chaîne de valeur l’équipementier doit-il se situer ? Il pourrait être un simple fournisseur d’accessoire, d’autant qu’un constructeur automobile aura tendance à lui bloquer l’accès à la data. Mais en étant celui le plus capable de capter, analyser et traiter ce type de données, Faurecia se positionne à la fois en fournisseur de services et capte une information très utile pour l’amélioration de son produit. Le partage de données démultiplie la valeur pour le constructeur et l’équipementier.

Cette coopétition autour de la data est d’autant plus nécessaire que l’impact de la data sera profond du fait de l’intelligence artificielle. La reconnaissance temps réel, le computer vision le machine learning vont permettre d’aller au-delà de la donnée non structurée et non textuelle. L’intelligence artificielle permet de mettre en place des programmes qui ne cessent de s’enrichir, auto-apprenants et capables de se reprogrammer eux-mêmes. C’est le cas des agents conversationnels de Google et Amazon, qui comptent déjà plus de 50 milliards de conversations par mois pour s’améliorer sans cesse.

Un exemple signifiant de coopétition créatrice de valeur :  Bouygues construction et Dassault Systèmes coopèrent sur la 3D. Leur enjeu : capter la donnée sur les chantiers. Bouygues compte des milliers de chantiers par an, et chaque chantier, soumis à des aléas, est nécessairement abordé de manière empirique. Plus le chantier est complexe, plus il est fait appel aux meilleurs chefs de chantier, capables, par leur expérience, de gérer les aléas. Du coup, comment la data peut-elle aider à gérer ces aléas ? Un des enjeux est de capter et traiter une donnée non structurée : le bruit et les images, avec des micros et des caméras, sur les grues et les casques.

La data donne clairement une prime à la coopétition - impossible aujourd’hui de tout faire seul et de capter seul toute la valeur.

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