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Quand les médias reprennent le contrôle de leur inventaire publicitaire


Les modèles économiques des médias reposent largement sur la publicité et sont donc fragilisés par la concentration des budgets publicitaires dans les gros réseaux d’ad-exchange. Aux Etats-Unis, Facebook et Google représentent ainsi à eux seuls 57% des budgets publicitaires (source PWC 2018). En France, les réseaux sociaux, Facebook en tête, représentent 46% de la publicité display (source Etude BearingPoint 2018). Même si les GAFA ont aussi besoin des inventaires des médias pour toucher cibler les consommateurs selon leurs habitudes et leurs goûts, cette relation entre médias et GAFA reste assez déséquilibrée en raison du poids économique de ces derniers. Mais le vent tourne du côté de certains médias anglo-saxons qui ont décidé de reprendre la main sur leurs inventaires publicitaires, pour commercialiser eux même leurs contenus et valoriser leur capacité à réaliser un ciblage de qualité pour les annonceurs.

Impact du RGPD sur la publicité, en Europe et au-delà

Le durcissement des réglementations Européenne pour la protection de la vie privée influe également de façon importante sur les stratégies des médias. Pour se conformer au RGPD (règlement général sur la protection des données), le New York Times a ainsi arrêté les ad exchange en Europe et réussi finalement à générer un meilleur revenu publicitaire. Afin de limiter les risques possibles d’amendes, le NYT a d’abord bloqué les ad-exchanges sur ses pages européennes puis a décidé de supprimer le ciblage comportemental sur l’ensemble de ses pages. D’après un rapport de Digiday cette stratégie a généré de meilleurs revenus publicitaires. Le NYT s’est concentré sur le ciblage contextuel (en fonction du contenu de la page visitée) et géographique dans le cadre de contrats garantis de publicité programmatique et de contrats avec des marketplaces privées, c’est à dire des contrats publicitaires signés en direct. 

Dans une interview avec Techcrunch, Christophe Demarta, SVP Global advertising du New York Times International précise que les revenus publicitaires sont en augmentation sur fin 2018 et que cette tendance se confirme pour début 2019, car selon lui « la désirabilité d’une marque peut être plus forte que les techniques de ciblages ». La marque en question étant celle du journal, mais tous les médias n’ont pas de marque aussi forte que le NYT à valoriser. La plupart ont même au fil des années laissé aux GAFA les clés de l’exploitation de leurs audiences et n’ont donc pas le contrôle des inventaires publicitaires servis sur leurs pages. Pire, certains médias courent ainsi le risque de perdre le lien avec leur lectorat, et deviennent artificiellement dépendants des adtech comme intermédiaire leur permettant d’atteindre leurs audiences.

Pour les médias, l’union fait la force

Au Royaume-Uni, le Guardian a lui aussi fait le choix de réduire les adexchanges pour commercialiser directement son inventaire et garder le contrôle contextuel de l'affichage de la publicité. Plusieurs alliances entre médias, éditeurs et diffuseurs se sont multipliées ces derniers mois. En juin 2018, le projet “Ozone” a ainsi été lancé par the Guardian, The Telegraph, News UK et Reach. Ces médias revendiquent une audience globale de 100 millions de visiteurs uniques mensuels, environ 42.4 millions de visiteurs dédupliqués selon ComScore, alors que la Force de frappe de Facebook au UK est d’environ 40 millions d’utilisateurs actifs par mois. Un des arguments phare de ces médias est leur capacité à offrir aux annonceurs et aux marques un environnement contrôlé pour l’affichage des publicités, « brand safe », en opposition au fonctionnement opaque, en « boîte noire », des GAFA et adexchange.

Les annonceurs frappent au portefeuille

Face à la multiplication des scandales autour de ciblages publicitaires Facebook pour des messages politiques ou haineux, de grands annonceurs comme Unilever et Procter et Gamble cherchent eux aussi à reprendre le contrôle sur comment et où leurs messages publicitaires sont servis aux consommateurs. En 2018, Marc Pritchard, le directeur de marketing de P&G, a indiqué avoir supprimé 200 millions de dollars de dépenses inutiles et gagné 10% de reach (source Adweek). Une publicité digitale sur deux était vue deux secondes et la plupart d'entre elles étaient regardées par des robots. La suite logique d’une démarche d’assainissement des budgets publicitaires, enclenchée depuis 2016 par le groupe P&G avec pour objectif une réduction de 400 millions de dollars de budget sur 4 ans. La reprise de contrôle de P&G passe aussi par la création d’une nouvelle agence de publicité autonome rassemblant les talents de trois holdings publicitaires travaillant déjà pour le groupe : Saatchi & Saatchi (Groupe Publicis, n°3 mondial), Grey (Groupe WPP, n°1), Marina Maher Communications et Hearts & Science (Groupe Omnicom, n°2). 

Cette initiative annoncée au printemps 2018 ne concerne pour le moment que le marché Nord-Américain des produits de soins mais pèsera probablement lourd dans les prochains arbitrages budgétaires. 

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