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Les tablettes sauveront-elles le marketing digital ?

Le marketing digital a besoin d’être sauvé !

Aujourd’hui, le marketing digital se résume peu ou prou à de la performance et à des chiffres : ce n’est plus du marketing, c’est du contrôle de gestion.

Même les « contenus », censés être les vecteurs de l’image et du positionnement différenciant d’une marque, ne résistent pas à la massification ambiante, et se consomment à la louche sans émotion ni mémorisation, à part peut-être pour les quelques grandes marques internationales qui y investissent tellement de moyens créatifs et financiers qu’elles arrivent à rester l’exception à la règle.

L’abondance de statistiques et la promesse des big data semblent faire oublier que la première raison d’exister et surtout de perdurer d’une marque, c’est l’histoire particulière qu’elle raconte et que ses clients s’approprient en la consommant. Sinon, quelle différence avec un produit générique ? Le rôle premier du marketing n’est pas d’être une source de coûts et un budget à optimiser, il est d’accroître les bénéfices d’une entreprise en lui permettant d’élever son prix de vente, symbole de la « valeur » que le consommateur est prêt à payer pour elle.

Or le « digital » rend ce « storytelling », et donc cette valeur, de plus en plus compliqués à construire, surtout pour la majorité des marques qui se situent entre les extrêmes du low cost et du super luxe. Pourquoi ?

Sur Internet, c’est le consommateur qui a la main

Deux facteurs principaux contribuent à cela : la logique de « pull » dominant de l’Internet, et l’abondance ingérable des contenus.

D’abord, la logique même d’Internet : c’est surtout une logique de « pull » dominant. C’est un outil d’utilité à la main du consommateur, qui répond d’abord à ses besoins, à ses demandes, avant de lui en proposer d’autres. C’est cette logique dominante qui explique que Google y règne encore et toujours en maître, et que même un Amazon cherche des moyens de proposition et de recommandation de contenus à ses clients, malgré toute la force de ses outils de recommandation et d’analyse de données.  La majorité des e-commerçants le savent, qui peinent à développer le cross-sell et l’upsell auprès de leurs clients même fidèles, et recourent quand ils le peuvent à des moyens plus traditionnels (prospectus, radio, TV, ouverture de points de vente…) pour conquérir de nouveaux clients. Les réseaux sociaux peuvent être un bon relais et donner de l’écho à une histoire, via la viralisation de vidéos ou l’abondance de commentaires positifs, mais ce ne sont pas eux qui l’écrivent.

Ensuite, l’abondance permanente de contenus nécessitée par le web est difficilement gérable pour les entreprises. Pour la rentabiliser, les maîtres mots du développement web/mobile sont devenus la productivité, la « maintenabilité », la « scalabilité » ; priorité à la standardisation, à la « templatisation », à la gestion centralisée des contenus, aux mots plutôt qu’à la mise en forme, ce qui rend le web très pauvre en communication émotionnelle et d’image : tous les sites se ressemblent ! Sur le mobile, priorité à l’utilité, à l’efficacité du dernier mètre ou de la dernière minute, au relationnel personnel, et à un usage de détente davantage lié à l’optimisation des instants d’attente qu’au format de l’outil lui-même. Pour les marques, les places sur mobile sont chères et limitées, car au-delà de l’effet de nouveauté, qui a envie d’être submergé de notifications promotionnelles toute la journée, ou d’installer cent applications de marques sur son mobile ?

Or le marketing, c’est d’abord une force de proposition, c’est-à-dire du « push » : une histoire qu’on n’a pas demandée, mais qui tout à coup nous intéresse, nous séduit, nous donne envie d’en savoir plus, de la consommer, etc. La vraie créativité n’est pas demandée par les consommateurs, qui ne cherchent que ce qu’ils connaissent, finalement. Elle est proposée par les marques, et pour susciter l’émotion au-delà de la seule raison, et sans trop d’intrusion, impose un format narratif et visuel minimal. Mais les capacités de « push » marketing du web et du mobile sont non seulement limitées (emails, certains types de bannières ou d’habillage publicitaires, sms, notifications d’applis mobiles), elles sont de fait surtout orientées vers l’efficacité commerciale immédiate, pour les raisons évoquées plus haut…

Qu’apportent les tablettes?

La tablette est un véritable « media center » du consommateur,  au confluent du papier et du web.

Son format fermé n’en fait pas un outil de productivité personnelle. Sa taille et son poids n’en font pas un véritable outil de mobilité, du moins pour l’instant encore, et les consommateurs ne s’y sont pas trompés. Ses caractéristiques techniques et fonctionnelles (navigation tactile, qualité de l’image, taille de l’écran, légèreté relative, connectivité wifi…) en font par contre un parfait compagnon de canapé, un outil nomade d’intérieur multi-utilisateur, qui se pratique dans la même posture que la lecture du papier, magazines, livres et autres publications commerciales de tout bord (catalogues, brochures, magazines relationnels, tracts…). Une posture détendue, relâchée, de « consommation » (de contenus, de services, d’applications, de produits…) et de navigation sans urgence et sans objectif unique, à l’opposé de la posture de recherche penchée et active sur ordinateur, celle qui rend l’internaute si imperméable aux bannières et autres incitations publicitaires multiples visant à le détourner de son but.

Pour le consommateur tout autant que pour les directions marketing et communication, la tablette est le chaînon manquant entre l’ordinateur, outil de recherche d’information par excellence, et le mobile, outil d’efficacité et d’utilité.

Entre le royaume du « pull » et celui des « push » sélectionnés, de la recherche d’informations pilotée par le consommateur en amont, et de la fidélisation cadrée par le consommateur en aval, la tablette ouvre des opportunités de marketing et de communication inédites aux marques et enseignes, un territoire de prospection et d’expression multimédia riche de fonctionnalités et d’opportunités.

Mais attention, la tablette n’est ni un mini-PC, ni un maxi-smartphone : la considérer comme un énième canal informatique dont il faut dompter les coûts en uniformisant sa gestion avec celle des canaux existants (grâce au responsive design par exemple) ne créera aucune narration, aucune histoire propre au format tablette et à sa consommation par un humain surtout…

La véritable opportunité de narration que les tablettes apportent aux marques, se situe plutôt du côté de la production multimédia et de l’édition : soit dans la transposition sur un support digital, des savoirs-faires des supports traditionnels qui savent raconter des histoires et créer des émotions, car la tablette permet de transposer pour la première fois, l’usage même qui crée cette émotion : le contact direct des doigts, la qualité de l’écran et sa proximité, la navigation de lecture linéaire et pas seulement de clic en clic… La presse notamment magazine et les éditeurs de livres, du moins américains, ne s’y sont pas  trompés, qui se sont emparés de ce format pour développer leurs applications, en abandonnant souvent au passage le développement html pur et dur pour des solutions d’édition numérique basées sur InDesign, le logiciel de référence des graphistes… du papier.

Mesdames et messieurs du marketing, racontez-nous de nouveau des histoires ! Revenez aux commandes de vos marques, utilisez la formidable capacité d’innovation du digital, mais ne vous soumettez pas trop vite à ses contraintes qui ne sont que la preuve d’un manque de créativité, et n’oubliez pas que les meilleures histoires ne sont ni des statistiques ni des sites rectangulaires… mais celles dont on se souvient et qu’on achète. A vos tablettes !

Par Youmna Ovazza, Chief Digital Officer d'Altavia.

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